Tsante

La santé pour tous !

La pathologie consiste à tomber amoureuse d'un homme blessé que l'on tente (généralement en vain) de soigner.

Vouloir sauver l'autre serait, si l'on en croit la philosophe et psychothérapeute Nicole Prieur , une particularité plutôt féminine et très largement partagée : « Au début d'un couple, il y a toujours cette dimension thérapeutique chez la femme. Elle va vouloir soigner quelque chose chez l'homme tandis que lui, de son côté, va chercher à la formater, à la ramener vers un modèle auquel il est attaché. Ce n'est pas la peine de s'alarmer inutilement, mais il faut vraiment s'interroger quand les relations difficiles et identiques se répètent indéfiniment. »

Superhéroïnes

« Il y a généralement dans ces rencontres une collusion de souffrances. En aidant l'autre, ces femmes se soignent elles-mêmes,affirme Nicole Prieur. Elles ne vont d'ailleurs pas chercher à guérir tout et n'importe quoi. »Certaines vont être attirées par des blessures d'enfance. D'autres, par une instabilité psychique, par une personnalité mélancolique. Il s'agit pour elles de guérir leur compagnon d'un mal qui les touche personnellement. En l'aidant à surmonter son traumatisme, elles tentent elles-mêmes de le dépasser. Le psychiatre et psychanalyste Didier Lauru  parle d'un « pôle thérapeutique dans la relation ».

Mais attention, cela n'a rien à voir avec la pitié, qui n'est pas « un ressort essentiel dans ces relations, assure la psychanalyste Sophie Cadalen (3). Très souvent, les protagonistes se flairent l'un l'autre : le souffrant repère son garde-malade, et réciproquement. Et ces femmes retroussent leurs manches pour des missions qu'on ne leur a pas demandées, invoquant souvent, en première explication, un sentiment d'humilité et d'altruisme.

Elles se mettent dans des postures humbles, empathiques et généreuses. Leurs motivations inconscientes sont en fait totalement autres : elles reposent sur le besoin de se sentir les plus fortes et d'être les superhéroïnes qui vont sauver un malheureux. C'est une manière pour elles de se réconforter narcissiquement ».
Surtout si elles souffrent d'un déficit de confiance en soi, n'envisagent pas de pouvoir être aimées simplement pour elles-mêmes et s'imaginent devoir être utiles, « servir »à quelque chose.

Maîtrise apparente

Nicole Prieur, qui reçoit beaucoup d'« infirmières » ravagées par un sentiment d'impuissance et par des échecs successifs, souligne que, « dans un premier temps, nous nous croyons importants. Se sentir un pivot, un pilier pour l'autre console de cette sensation parfois éprouvée dans l'enfance de ne pas avoir eu de place, de ne pas avoir compté pour ceux que nous aimions. Cela ne dure pas. Car ce sont des missions impossibles que d'attendre que l'autre bouge quand il ne l'a pas décidé. Et l'on se retrouve comme une idiote, avec cette terrible impression d'avoir perdu le sens de l'histoire que nous souhaitions tant vivre ».

Il y a des périodes de bons et beaux moments où l'on se sent galvanisé par un geste d'une grande tendresse, par une parole douce de remerciement ou, mieux encore, par une subite rémission. Sophie Cadalen explique que derrière ces tentatives d'amours salvatrices se niche un désir « de s'assurer que l'on maîtrise tout, même si on ne maîtrise rien ».

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